Charlemagne et ses filles
Publié : 13 mai 2013 10:
Bonjour,
Voici comme promis les deux épitaphes de la famille de Charlemagne. Certes, je suis l'avis de grands spécialistes comme Monsieur Favreau et Madame Treffort que Charlemagne n'a pas écrit lui-même ses magnifiques épitaphes mais sans doute un groupe de moines très lettrés. Ces deux épitaphes montrent la perte d'un être cher et en même temps permettent d'entreapercevoir la beauté du latin médiéval.
L’épitaphe est celle d'Adélaïde , fille de Charlemagne, décédée en 774. Elle met bien en évidence la douleur engendrée par la perte d’un enfant en bas âge :
Texte latin : Hoc tumulata iacet pusilla puellala busto / Adeleid amne sacro quae vocitata fuit / Huic sator est Karolus gemino diademate pollens / Nobilis ingenion fortis ad arma satis / Sumpserat haec ortum prope monia celsa Papiae / Cum caperet genitor Italia regna potens / Sed Rhodanum properans rapta est de limine vitae / Ictaque sunt matris corda dolore procul / Excessit patrios non conspectura triumphos / Nunc patris aeternis regna beata tenet.
traduction : «Ici gît au tombeau une toute petite fille, Qui fut appelée Adélaïde dans l'onde sacrée, Son père Charles, puissant par la double couronne, Noble par l'esprit, puissant par les armes, Elle reçut sa naissance près des murailles de Pavie, Lorsque son puissant géniteur conquérait le royaume d'Italie. Mais à l'approche du Rhône, elle fut ôtée de la lumière de cette vie, Et le cœur de sa mère fut percé de douleur, Elle partit sans voir les triomphes paternels. Maintenant, elle possède les royaumes bienheureux du père éternel.»
Sous les murs de Pavie, Hildegarde avait donné naissance à une petite fille, Adélaïde, morte peu de temps après sur le chemin du retour et célébrée à Metz par une épitaphe que Paul Diacre fait précéder d'un titre évocateur («Épitaphe d'Adélaïde, fille de Charles, qui est née en Italie lorsque lui-même mit cette dernière sous son joug». Pour Charlemagne, la conquête de la Lombardie est associée à la figure de cette petite fille qui naquit sous les murs de Pavie. Le jeu subtil entre les deux couronnes (ligne 3) – des Francs et des Lombards -, les triomphes paternels (ligne 9) et le royaume du Père éternel (ligne 10) ne sont sans doute pas fortuits.
Cette autre épitaphe d’Hildegarde, fille de Charlemagne, décédée en 799, témoigne de la douleur d’un père (mais également d’un mari) :
Hildegarde rapuit subita te funus acerbum / Ceu raptat Boreas vere ligustra novo / Explevit necdum vitae tibi circulus annum / Annua nec venit lux geminata tibi / Parvula non parvum linquis virguncula luctum/ Confodiens iaculo regia corda patris / Matris habens nomen renovas de mater dolorem / Postquam vixisti vix quadraginta dies / Pectore nos mesto lacrimarum fundismus amnes / Tu nimium felix gaudia longa petis
Traduction : «O Hildegarde, la mort cruelle t'a emportée subitement, Comme le vent du Nord, au printemps nouveau, dévaste les troènes, Pour toi, le cycle de l'année de vie ne s'est pas terminé, Et la lumière annuelle pour toi n'a pas été doublée. Si toute petite fille, le deuil que tu laisses n'est pas mince, Transperçant d'un trait de javelot le cœur de ton royal père, Portant le nom de ta mère, tu renouvelas la douleur de ta mère, Après avoir vécu quarante jours. D'un cœur triste, nous versons des flots de larmes, Tandis que toi, bien heureuse, tu aspires à une joie sans fin.»
En quelques semaines, Charlemagne avait perdu son épouse bien-aimée et juste après, la fillette à laquelle elle venait de donner naissance. La plume de Paul Diacre a su rendre la souffrance du souverain en insistant sur la cruauté de la mort de l'enfant. La dernière partie, ou distique final, qui oppose la douleur des survivants au sort de l'âme innocente de la fillette, bien que consolateur, ne saurait faire oublier le caractère injuste de la disparition des enfants en bas âge.
Je vous souhaite une bonne lecture de ses deux épitaphes et reste à votre disposition pour d'autres informations.
Amicalement
Isabelle
Voici comme promis les deux épitaphes de la famille de Charlemagne. Certes, je suis l'avis de grands spécialistes comme Monsieur Favreau et Madame Treffort que Charlemagne n'a pas écrit lui-même ses magnifiques épitaphes mais sans doute un groupe de moines très lettrés. Ces deux épitaphes montrent la perte d'un être cher et en même temps permettent d'entreapercevoir la beauté du latin médiéval.
L’épitaphe est celle d'Adélaïde , fille de Charlemagne, décédée en 774. Elle met bien en évidence la douleur engendrée par la perte d’un enfant en bas âge :
Texte latin : Hoc tumulata iacet pusilla puellala busto / Adeleid amne sacro quae vocitata fuit / Huic sator est Karolus gemino diademate pollens / Nobilis ingenion fortis ad arma satis / Sumpserat haec ortum prope monia celsa Papiae / Cum caperet genitor Italia regna potens / Sed Rhodanum properans rapta est de limine vitae / Ictaque sunt matris corda dolore procul / Excessit patrios non conspectura triumphos / Nunc patris aeternis regna beata tenet.
traduction : «Ici gît au tombeau une toute petite fille, Qui fut appelée Adélaïde dans l'onde sacrée, Son père Charles, puissant par la double couronne, Noble par l'esprit, puissant par les armes, Elle reçut sa naissance près des murailles de Pavie, Lorsque son puissant géniteur conquérait le royaume d'Italie. Mais à l'approche du Rhône, elle fut ôtée de la lumière de cette vie, Et le cœur de sa mère fut percé de douleur, Elle partit sans voir les triomphes paternels. Maintenant, elle possède les royaumes bienheureux du père éternel.»
Sous les murs de Pavie, Hildegarde avait donné naissance à une petite fille, Adélaïde, morte peu de temps après sur le chemin du retour et célébrée à Metz par une épitaphe que Paul Diacre fait précéder d'un titre évocateur («Épitaphe d'Adélaïde, fille de Charles, qui est née en Italie lorsque lui-même mit cette dernière sous son joug». Pour Charlemagne, la conquête de la Lombardie est associée à la figure de cette petite fille qui naquit sous les murs de Pavie. Le jeu subtil entre les deux couronnes (ligne 3) – des Francs et des Lombards -, les triomphes paternels (ligne 9) et le royaume du Père éternel (ligne 10) ne sont sans doute pas fortuits.
Cette autre épitaphe d’Hildegarde, fille de Charlemagne, décédée en 799, témoigne de la douleur d’un père (mais également d’un mari) :
Hildegarde rapuit subita te funus acerbum / Ceu raptat Boreas vere ligustra novo / Explevit necdum vitae tibi circulus annum / Annua nec venit lux geminata tibi / Parvula non parvum linquis virguncula luctum/ Confodiens iaculo regia corda patris / Matris habens nomen renovas de mater dolorem / Postquam vixisti vix quadraginta dies / Pectore nos mesto lacrimarum fundismus amnes / Tu nimium felix gaudia longa petis
Traduction : «O Hildegarde, la mort cruelle t'a emportée subitement, Comme le vent du Nord, au printemps nouveau, dévaste les troènes, Pour toi, le cycle de l'année de vie ne s'est pas terminé, Et la lumière annuelle pour toi n'a pas été doublée. Si toute petite fille, le deuil que tu laisses n'est pas mince, Transperçant d'un trait de javelot le cœur de ton royal père, Portant le nom de ta mère, tu renouvelas la douleur de ta mère, Après avoir vécu quarante jours. D'un cœur triste, nous versons des flots de larmes, Tandis que toi, bien heureuse, tu aspires à une joie sans fin.»
En quelques semaines, Charlemagne avait perdu son épouse bien-aimée et juste après, la fillette à laquelle elle venait de donner naissance. La plume de Paul Diacre a su rendre la souffrance du souverain en insistant sur la cruauté de la mort de l'enfant. La dernière partie, ou distique final, qui oppose la douleur des survivants au sort de l'âme innocente de la fillette, bien que consolateur, ne saurait faire oublier le caractère injuste de la disparition des enfants en bas âge.
Je vous souhaite une bonne lecture de ses deux épitaphes et reste à votre disposition pour d'autres informations.
Amicalement
Isabelle